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Un nouveau manifeste vient faire contre poids à celui de Bernard Landry et cie. Le débat est maintenant bien engagé sur les valeurs qui devraient nous guider dans l'exploitation de nos ressources énergétiques.
Pierre
Économie et environnement
Réponse à Henri
En guise de réponse Henri, je commente simplement certaines parties de ton texte :
(...) Par ailleurs, à condition d’extraction et de transformation égale, que cette exploitation se fasse au Québec ou ailleurs, cela ne change rien pour la planète. (...)
Je ne suis pas certain de partager cette affirmation. Une société qui fait le choix de ne pas contribuer à l'augmentation de la production pétrolière dans le monde envoie un message politique clair aux autres pays. On peut légitimement espérer que si des pays font le choix de ne plus exploiter leurs nouvelles ressources pétrolières, on assistera à une baisse de la production mondiale du pétrole et des gaz à effet de serre. Évidemment, il est peu probable qu'aucun pays ne prendra une telle décision, car aucun État ne voudra affaiblir sa position concurrentielle. Il y a fors à parier que les États vont plutôt chercher à s'adapter aux changements climatiques au fil du temps plutôt que de les prévenir. Dans une telle éventualité, les états les plus riches seront les plus innovateurs et devraient en sortir une fois de plus renforcés.
(...) Au début de nos études universitaires, la planète comptait environ 3,5 milliards d’habitants. Des «experts» de l’époque nous prévoyaient, ou prédisaient, c’est selon, que jamais, sans un nouveau système de production et de consommation alimentaire, la planète pourrait nourrir une population de 7 milliards d’habitants. Au lieu de manger du bœuf valait mieux consommer directement des céréales. Avec le même système économique mondial, nous nourrissons aujourd’hui ces 7 milliards d’habitants (avec tout de même 900 millions de sous-alimentés) et la FAO nous indique que nous pourrions en satisfaire 12 milliards d’habitants, en éliminant les gaspillages. Toujours à la fin des années 1960 et au début des années 1970, le Club de Rome nous annonçait une pénurie de pétrole en 2000. Et pourtant, les réserves mondiales de pétrole d’aujourd’hui dépassent celles de cette époque !Tu connais aussi, Pierre, le discours apocalyptique de Malthus et son essai de 1889 sur la population. (...)
Les exemples que tu donnes sont probants. Je suis convaincu que les scientifiques ont aussi parfois des visées politiques et qu'ils se servent de leur pouvoir de scientifique pour avancer des scénarios catastrophes qui n'ont bien sûr rien à voir avec la science. Les environnementalistes n'échappent pas à cette dérive. Il faut donc se méfier de tels scénarios qu'ils viennent de droite ou de gauche. De façon générale, les sociétés modernes ont une grande capacité d'adaptation aux problèmes environnementaux qu'elles ont elles-mêmes créée.
(...) Quant à l’opposition environnement et économie, je pense qu’elle n’est pas universelle. En effet, l’écologie ne s’oppose pas au développement mais plutôt à un certain type de développement. La production pourrait être organisée autrement et être encore plus rentable pour les entreprises, eh oui, plus de profits ! – sans doute pas toutefois pour toutes les gagnantes actuelles. Économiser, recycler, utiliser moins de ressources en éliminant le gaspillage peut être très capitaliste ! (...)
Il faudrait opposer environnement et prospérité ou encore, pour reprendre une notion plus économique, l'idéal capitaliste d'un développement sans limites de la consommation et l'environnement. L'idée même de freiner le développement économique apparait suicidaire pour l'industrie. Le "développement durable" n'a de sens dans ce contexte pour les entreprises que s'il ne constitue pas un obstacle au développement économique. La réaction au "principe de précaution" est encore plus viscérale : la prudence qui invite à s'abstenir lorsque l'on ignore les conséquences de nos actions est complètement contraire à l'esprit même du capitalisme. Seuls la société civile et les gouvernements peuvent éventuellement faire contre poids et défendre une vision de l' économie plus respectueuse de l'environnement. C'est pourquoi, lorsque nos élites- je pense ici aux signataires de la lettre qui vient de paraître dans les journaux - se servent de leur pouvoir charismatique pour convaincre la société civile de faire des choix responsables en choisissant la prospérité avant la protection de l'environnement, rien ne va plus. Je suis d'accord avec toi qu'il est possible de développer une autre économie qui assume et s'inspire des contraintes environnementales. Cela est possible à condition que l'on pense cette nouvelle économie dans l'esprit de freiner la consommation mondiale ce qui ne sera pas facile.
Pierre
Cher Pierre,
Pour te répondre, il m’a fallu lire l’article d’Alain Dubuc, columnist que je lis peu ou qu’en diagonale, tant ses propos sont prévisibles, après simplement avoir lu le titre de son article. Je constate que lui et moi, même si nous utilisons la même expression « «marcher et mâcher de la gomme», il se concentre dans son texte sur la seule question de l’exploration pétrolière. Ma démarche est différente et contrairement à plusieurs, et à toi, je pense qu’il est possible de conjuguer économie et environnement.
Ma prémisse de départ découle d’un simple constat : on parle beaucoup au Québec de préservation de l’environnement mais, selon moi, dans les faits, on prend peu de moyens pour diminuer la pollution, particulièrement dans le domaine de l’automobile. Et tout le discours gouvernemental affirmant que l’on va atteindre les objectifs de Kyoto d’ici 2020 me semble irréaliste ou irréalisable dans l’état actuel de la situation et de nos actions collectives et individuelles. Sans reprendre mon argumentaire chiffré, le parc automobile québécois ne cesse de grandir et, collectivement, individus et gouvernements, rien n’indique que nous cherchions à changer notre mode de vie à cet égard, si bien qu’il est évident que l’on va au Québec consommer de l’essence pour encore de nombreuses années. Bref, dans notre belle province, la transformation du pétrole en l’émission de GES va, malheureusement, perdurer pour encore de nombreuses années.
Par ailleurs, à conditions d’extraction et de transformation égales, que cette exploitation se fasse au Québec ou ailleurs, cela ne change rien pour la planète. Et, si jamais nous en trouvions au Québec – ce qui est loin d’être évident – et que cela puisse se faire de façon relativement sécuritaire – ce qui est aussi loin d’être évident – je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas l’exploiter. Toutefois, je pense que nous pourrions tout en exploitant notre pétrole – si collectivement nous le désirerions – prendre des mesures pour modifier notre style de vie et que cela ne se ferait pas au détriment de l’économie mais plutôt en faveur d’une autre économie.
Question sécurité, la problématique n’est guère rassurante. À l’Île d’Anticosti, nous aurions du pétrole de schiste (dit non conventionnel) avec des risques accrus d’exploitation par rapport au pétrole conventionnel. De plus, son exploitation implique nécessairement son transport maritime ou par pipeline sous-marin vers la terre ferme, avec encore là de nouveaux risques. Quant au pétrole – conventionnel – du gisement Old Harry, on parle alors d’une exploitation off-shore dans une mer intérieure et en cas d’accident, les conséquences pourraient être catastrophiques. De plus, si les gouvernements – fédéral et provincial – diminuent la réglementation et les normes d’exploitation et de sécurité, on est vraiment mal barré. Bref, dans les conditions actuelles, plusieurs éléments m’amènent à douter que nous puissions nous assurer d’une exploitation sécuritaire d’un éventuel pétrole québécois.
Maintenant, la question économie/environnement. S’il est vrai que toute exploitation de la nature entraine une certaine transformation-destruction de cette dernière, on peut certes d’une part se demander si un tel degré de mutilation de son environnement est nécessaire pour accéder au statut de consommateur et si d’autre part les dégâts environnementaux sont si aussi importants que certains l’affirment, pourquoi une telle situation perdure-elle ?
Je commencerai par la deuxième question, avec bien sûr une réponse d’économiste. Dans notre système économique, les décisions des entreprises, celles qui entre autres exploitent les ressources naturelles d’un pays, se prennent sur une base individuelle : elles ne tiennent compte que des revenus qu’ils reçoivent de la vente de leurs produits – oublions pour l’instant les aides gouvernementales – et des coûts privés soient ceux qu’elles doivent rembourser. Si les premiers dépassent les seconds, elles vont de l’avant, peu importe les autres effets de leurs actions. En ce sens, dans le cas de du pétrole, les coûts sociaux engendrés par son exploitation et son utilisation ne sont tout simplement pas pris en compte par les pétrolières car elles n’ont pas à les payer. Il en va de même pour Mac-Do qui ne tient pas compte des coûts de santé de la malbouffe dans sa décision d’exploiter ou non un resto, peu importe sa localisation par rapport à une école. Et on ne peut pas espérer que des entreprises privées le fassent. Il faut donc que la société – au sens large : citoyens et gouvernements– les amène à le faire. J’ai déjà parlé des options possibles pour un gouvernement pour limiter les émissions de GES pour l’automobile, je n’y reviendrais pas ici. Mais d’autres questions se posent.
En effet, avant même de transférer aux acteurs privés les coûts sociaux de la pollution, si tel était notre choix sociétal, il faut être en mesure de bien les identifier et d’en mesurer leur ampleur ? Et c’est là où le bât blesse. En effet, de telles identifications et mesures ne sont pas aisées à effectuer et la mesure de leurs effets, à long terme, sujette à plusieurs controverses. Quel est le coût de la malbouffe des Mc Do près d’une école par exemple ? On peut parier que plusieurs experts en arriveraient à des réponses différentes, si plusieurs bailleurs de fonds financent leurs études. Et, même s’il y avait un consensus scientifique, la partie n’en serait pas pour autant jouée. Prenons le cas des GES, où il existe une quasi unanimité des scientifiques quant à leurs effets dévastateurs, si on dépasse un réchauffement planétaire de 2 degrés Celsius. Plusieurs économistes ont aussi estimé en milliards de dollars les pertes économiques d’un tel réchauffement climatique. Et, pourtant, au dire de plusieurs, on pousse à fond les manettes, pour rentrer dans un mur. Pourquoi ? Cris de Cassandre ou fumisteries ?
Au début de nos études universitaires, la planète comptait environ 3,5 milliards d’habitants. Des «experts» de l’époque nous prévoyaient, ou prédisaient, c’est selon, que jamais, sans un nouveau système de production et de consommation alimentaire, la planète pourrait nourrir une population de 7 milliards d’habitants. Au lieu de manger du bœuf valait mieux consommer directement des céréales. Avec le même système économique mondial, nous nourrissons aujourd’hui ces 7 milliards d’habitants (avec tout de même 900 millions de sous-alimentés) et la FAO nous indique que nous pourrions en satisfaire 12 milliards d’habitants, en éliminant les gaspillages. Toujours à la fin des années 1960 et au début des années 1970, le Club de Rome nous annonçait une pénurie de pétrole en 2000. Et pourtant, les réserves mondiales de pétrole d’aujourd’hui dépassent celles de cette époque !Tu connais aussi, Pierre, le discours apocalyptique de Malthus et son essai de 1889 sur la population. Personnellement, je ne pense pas que le discours des scientifiques soit faussement alarmiste mais je ne serai pas là dans quarante ans pour constater si cela est avéré ou non. Je constate cependant que la majorité de nos concitoyens ne partagent pas cette évaluation (pourquoi, je ne le sais pas), ou du moins n’accepte de changement de leur mode de vie – vive la banlieue et l’essence pas trop cher – et ne font de pression sur nos gouvernements pour qu’ils agissent en conséquence. Autrement dit, pour un grand nombre, ces cris d’alarme ne sont que des fumisteries – ce qui ne les empêche pas dans un sondage de se dire pour la préservation de l’environnement … du moment que cela ne coûte pas un sou.
Quant à l’opposition environnement et économie, je pense qu’elle n’est pas universelle. En effet, l’écologie ne s’oppose pas au développement mais plutôt à un certain type de développement. La production pourrait être organisée autrement et être encore plus rentable pour les entreprises, eh oui, plus de profits ! – sans doute pas toutefois pour toutes les gagnantes actuelles. Économiser, recycler, utiliser moins de ressources en éliminant le gaspillage peut être très capitaliste ! Les déchets des uns peuvent devenir les intrants des autres : un exemple parmi d’autres, les sciures de bois des scierie peuvent être source d’énergie pour l’entreprise ou une autre entreprise. Règle générale, pour que cela se fasse sur une grande échelle, des politiques publiques orientées en ce sens sont absolument nécessaires, ne serait-ce que pour faire en sorte que l’on tienne compte des coûts privés et des coûts sociaux de la production. Deux autres petits exemples : avant les consignes sur les cannettes d’aluminium, on les enterrait en grande quantité ; même chose pour les carcasses de pneus qui finissaient dans les sites d’enfouissement ou au bout de la terre d’un agriculteur. Il s’agit évidemment là d’un autre projet de société qui mérite un autre débat.
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Si j’en crois le professeur Marc Durand de l ‘UQAM (Le Devoir, 10 janvier 2014), les revenus potentiels du pétrole d’Anticosti sont de l’ordre de 50 G$, avec un baril de pétrole à 100 $, alors qu’il estime les coûts d’exploitation à 120 G$ - supposons le tout en dollars américains, ce qui n’est pas précisé dans l’article. Si cela était avéré, nos craintes sont totalement futiles : jamais une entreprise privée va se lancer dans la production avec une telle perspective de non rentabilité. Pour qu’elle le fasse, il faudrait : soit une hausse de 140 % d’extraction du pétrole par puits, soit un baril de pétrole à 240 $US, soit une aide gouvernementale de 60 G$. Il est difficile de penser que l’un de ses trois scénarios puisse se concrétiser. Mais alors, pourquoi des firmes font-elles de l’exploration sur l’Île ? Une fièvre du pétrole, une nouvelle version du Klondike, pétrolier cette fois-ci ? Peut-être une réponse dans l’ouvrage de Dostaler et Maris, Capitalisme et pulsion de mort : «La pulsion de mort mise à jour par Freud, associée à l’amour et à l’accumulation du capital décrits par Keynes, a joué un rôle essentiel dans l’émergence et le développement du capitalisme. (Page 17). Ou encore que ces entreprises disposent de d’autres données.
Henri
D’accord avec toi, Henri, sur la nécessité d’agir sur le plan de la consommation des combustibles fossiles.
Ok donc pour une taxe, si l’on a des raisons solides de croire qu’elle diminuerait de façon significative la consommation. Bémol : faudrait que cette taxe soit accompagnée de mesures compensatoires pour les gens à faible revenu dans l’incapacité de prendre les transports en commun. On sait qu’à l’extérieur des grands centres par exemple, l’auto est obligatoire pour se rendre au travail ou au cégep, souvent éloignés de plusieurs kilomètres du domicile. Je pense aussi aux travailleurs de nuit, etc.)
Cependant, diminuer la consommation globale de pétrole ne semble pas faire partie des priorités du gouvernement (cf entrevue de Martine Ouellette à l’émission de samedi 11 janvier, Faut pas croire tout ce qu’on dit, à Radio-Canada. Pas un mot sur cet aspect du problème.).
Sur la question de l’exploration et de l’exploitation du pétrole au Québec par contre, je ne suis toujours pas convaincue. Voici quelques-uns des éléments qui me freinent.
1) Les réserves ou critiques émises par des géologues ou autres scientifiques sur ce qu’impliqueraient techniquement l’exploration et l’exploitation du pétrole de l’île d’Anticosti montrent qu'il y a vraiment beaucoup d'inconnues . Il faut regarder par exemple la conférence de Marc Durand (référence en marge) pour voir ce que veut dire concrètement le forage, quelle est la technologie disponible aujourd’hui, les impacts pas seulement sur la surface de l’île (non, non, y parle pas des chevreuils pis des bibittes ou si peu) mais sur les couches géologiques, l’eau, etc. Les modélisations qu’il a produites, les calculs qu’il fait (quantité de pétrole possible, coûts d’exploitation, bénéfices possibles) soulèvent des questions qui méritent réflexion. Selon lui, non seulement le bénéfice risque d’être peu élevé mais même avec des hypothèses optimistes, le pétrole de l’île d’Anticosti ne pourrait être exploité que quelques dizaines d’années. On se retrouverait par la suite gros-jean comme devant.
Sans compter le fait qu’on laisserait aux futures générations des coûts énormes pour pallier les dommages faits à l’environnement (pétrole et gaz qui continuent de migrer par les fractures; boues et eau de la fracturation à expédier quelque part pour être traitées – où???; cours d’eau se jetant dans le golfe Saint-Laurent contaminés, etc.). Il semblerait que la technologie permettant d’éviter de tels problèmes n’existe pas encore.
Par ailleurs, lorsque le pétrole est extrait, d’énormes quantités de méthane (le gaz naturel est composé à quelque 95% de méthane) sont libérées. Pour des raisons soit techniques, soit économiques, ce gaz n’est en général pas recueilli (il faudrait pour ce faire construire des gazoducs en plus des oléoducs) et il est donc brûlé sur place par torchère – (et donc gaspillé). Le méthane a un effet beaucoup plus puissant sur le réchauffement climatique que le CO2. (Sur ce sujet, diapos assez saisissantes dans la conférence de Durand.)
Même s’il n’y avait pas fracturation - car selon un autre géologue (Michel A.Bouchard de Polytechnique) - , il n’y a pas que du pétrole de schiste dans l’île d’Anticosti, toutes ces questions demeurent.
Une exploitation « dans le cadre le plus sécuritaire possible » est-il donc réaliste? (Et je n’aborde pas ici Old Harry, où le problème est encore plus complexe.)
Certaines données de Durand peuvent sans doute être contestées (son évaluation du potentiel, son estimation des coûts par baril, etc. – il dit lui-même que ce sont des approximations) mais les questions soulevées ne peuvent pas être balayées du revers de la main.
2. L’économiste Marc Van Audenrode (Université de Sherbrooke) à qui Michel Lacombe demandait si l’exploitation du pétrole ne pourrait pas permettre de régler la question de la dette a fait le commentaire suivant : « C’est de la pensée magique. […] Je vous rappelle qu’il y a dix ans on allait devenir très riches parce qu’on allait vendre notre hydroélectricité; il y a cinq ans on allait devenir très riches parce qu’on allait vendre de l’eau; il y a deux ans, on allait devenir très riches parce qu’on allait exploiter les mines dans le Nord. » Van Audenrode regrettait que les signataires du Manifeste pour l’exploitation du pétrole n’aient pas séparé le débat concernant le pétrole du débat sur les finances publiques. Selon lui, un débat sain exigerait de séparer les deux débats.
(À noter que Van Audenrode ne s’est pas prononcé contre l’exploitation du pétrole; il a mis en garde ses interlocuteurs contre des raccourcis. Par ailleurs, si exploitation il y avait, il préconise que le Québec suive l’exemple du Canada plutôt que de la Norvège – soit redevances plutôt qu’actionnariat – étant donné l’incertitude sur quand l’exploitation pourrait être rentable et dans quelle mesure elle le serait. De plus, comme d’autres économistes ou organismes financiers , Van Audenrode prévoit une baisse importante du prix du pétrole comme ça a été le cas avec le gaz naturel.)
3. Qu’en est-il des coûts qu’exigeraient la construction des routes sur l’île, la construction d’un port, les infrastructures nécessaires au transport du pétrole, etc.? Les fonds publics seraient-ils mis à contribution comme c’était le cas dans le Plan Nord? Qu'adviendrait-il de ces infrastructures après coup?
4. L’Agence internationale de l’énergie avisait récemment les pays que les deux tiers des réserves d’hydrocarbures devaient rester dans le sol si on voulait ne pas laisser aux générations futures une dette climatique plus élevée que la dette financière.
5. L’expertise au Québec dans ce domaine est quasi nulle. Même au niveau international, il semble qu’il y a peu de savoir et d’expérience en cas de déversement de pétrole dans des eaux gelées.
6. Je ne comprends pas qu’on cherche toujours UNE seule façon de « créer de la richesse ». Pourquoi ne mise-t-on pas sur le développement de plusieurs secteurs d’activités? Pourquoi n’est-on pas plus créatifs, visionnaires? Dans des articles spécialisés ou des reportages, il arrive très souvent que des acteurs du milieu économique ou scientifique soulignent les succès ou réalisations du Québec dans tel ou tel domaine ou encore son potentiel sur le plan international. Je me souviens par exemple avoir lu, lors du débat sur Gentilly, qu’avec le démantèlement de Gentilly, l’on pourrait développer une expertise dans ce domaine qui pourrait s’exporter internationalement – et qui aurait de fortes chances d’être très en demande. Même chose quand on lit sur le monde numérique, sur le tourisme spécialisé, sur les ressources des milieux marins, sur l’alimentation et les nouvelles méthodes de production dans ce domaine, sur la production de savoirs et d’équipement relatifs à la dépollution, à la captation du carbone et à l’adaptation aux changements climatiques, aux énergies nouvelles, etc. Sont-ce des choses si farfelues?
7. Je suis d’accord pour dire qu’il faut parfois faire des compromis de même que prendre des risques si l’on veut avancer. Le risque zéro est évidemment impossible. Cependant, il me semble qu’en ce moment, les données que l’on a sur les plans économique, technique, scientifique et environnemental ne permettent pas de se prononcer en faveur de l’exploitation du pétrole au Québec. Enfin, ce genre de débat doit poser la question du type de société qu’on veut, des valeurs qui l’orientent, etc. Il ne s’agit pas d’opposer « développement économique » à « bien-être de la population », certes, mais de se demander quel développement économique contribuerait le mieux au bien-être de la population et ce, sur tous les plans. (Sans évacuer le débat sur les finances publiques.)
Murielle
Fatigué de son peuple qui s'obstine à faire les choses différemment des autres peuples sensés de la terre, Alain Dubuc affirme ce matin que l'on peut très bien se soucier des causes environnementales et développer notre industrie pétrolière (mâcher de la gomme tout en marchant). Voilà une bien curieuse façon d'être conséquent! Ainsi, il serait acceptable et même souhaitable de construire des McDonald's près des écoles au nom de la rentabilité de telles entreprises, malgré le fait que nous sachions que cela a des effets dévastateurs sur la santé de nos jeunes. Le fait que d'autres sociétés acceptent de le faire, nous justifierait d'en faire autant à en croire le raisonnement de M. Dubuc. Cet argument revient essentiellement à dire que lorsque la création de richesse est en cause, les principes et les valeurs n'ont plus leur place dans les processus de décision.
Il me semble évident — et les méchants écologistes dont parle M. Dubuc n'ont pas besoin de m'en convaincre — que si la consommation d'hydrocarbure est néfaste à la santé de la planète et de ses habitants à long terme, il faut cesser d'en produire. Le même raisonnement vaudrait évidemment pour le nucléaire ( voir à ce sujet la réflexion des sociétés allemandes et japonaises).
Je reconnais que nous avons plusieurs valeurs et que parfois il faut faire des choix difficiles. Le problème avec l'argumentation de M. Dubuc c'est qu'il ne reconnait pas faire un choix. Il oppose plutôt une valeur (défense de l'environnement) à un réalisme qui, par un curieux hasard, est toujours un réalisme économique. Le réalisme économique dont parle M. Dubuc n'est pas "la réalité" mais bien une valeur humaine fors répandue : la prospérité. Choisir la prospérité plutôt que l'écologie c'est ordonner ses valeurs dans le but de faire un choix de société.
Dans les discussions que nous avons eues l'automne dernier, je proposais plutôt de discuter d'une opposition entre le droit à l'éducation des démunis et la défense de l'écologie. Il ne s'agissait que d'un exemple qui visait à forcer la discussion sur un conflit de valeurs . Ma question était alors la suivante : en admettant que les redevances de la commercialisation du pétrole de l'est du Québec soient versées entièrement à l'aide aux étudiants démunis, pourrions-nous alors renoncer à nos valeurs écologiques au nom d'une autre valeur : le droit à l'éducation pour tous? Comme je l'ai dit cet automne , je n'ai pas encore personnellement de réponse claire à la question que je soulève. Par contre, elle a le mérite d'opposer explicitement des valeurs entres-elles et non une valeur et l'argument du réalisme de M. Dubuc.
Pierre
Comme le débat sur le pétrole québécois revient dans l’actualité, je vous réédite l’argumentaire que j’avais développé lors de notre débat sur le pétrole québécois. Selon moi, le Québec devrait pouvoir et marcher et mâcher de la gomme en même temps : produire du pétrole – si cela est possible – et diminuer sa consommation de produits fossiles.
D’abord, la question du réchauffement climatique est une question planétaire; toute amélioration de la situation implique nécessairement une collaboration internationale et tous les pays doivent mettre la main à la pâte avec évidemment une plus forte implication pour les grands pollueurs. En ce sens, le Québec doit faire sa part, même si sa contribution au phénomène est nécessairement marginale étant donné la petite taille de son économie. D’autant plus, que sur une base «pollution par habitant», sa moyenne est l’une des plus élevées de la planète.
Sur le plan international, le Protocole de Montréal (1987) aurait pu nous inspirer : il a en effet permis des succès dans la lutte pour réduire les substances qui appauvrissent la couche d’ozone. Cela a été possible grâce à deux facteurs. D’une part, il y avait un fort consensus scientifique quant au lien entre les gaz CFC et les trous dans la couche d’ozone. D’autre part, la diplomatie a fait en sorte que tous les pays ont fini par signer le protocole. Mais lorsqu’il s’agit des gaz à effet de serre, on ne peut miser sur ces deux facteurs du moins au Canada. En effet, côté science et diplomatie, disons qu’avec le gouvernement Harper, on est mal barré : le ministre de la Science et de la technologie est un créationniste et le Canada s’est retiré de la négociation pour le renouvèlement du Protocole de Kyoto. Signalons aussi que les gaz à effet de serre sont plus nombreux que les CFC et que les sources d’utilisation des énergies dites fossiles sont aussi plus nombreuses. Ces gaz touchent à la fois nos modes de production et de consommation.
Par rapport à la question de l’utilisation du pétrole au Québec, et par ricochet au réchauffement climatique, on peut résumer ainsi une partie de la problématique : le pétrole transformé en essence contribue au réchauffement climatique – peu importe l’origine du pétrole. Pour réduire les émissions de GES, il faut donc réduire la consommation d’essence. Autrement dit, modifier la place de l’automobile dans notre vie.
Les États disposent de trois instruments d’intervention économique pour protéger l’environnement : les taxes, la réglementation et les permis d’émission.
Dans le premier cas, la mise en place d’écotaxes ou de taxes sur le carbone part du principe que les coûts engendrés par la pollution ne sont pas pris en compte par les producteurs. Ainsi, en imposant une taxe sur l’essence, qui représente le coût de la pollution, on élève son prix et on limite, dans une certaine mesure, la consommation du bien polluant. La réglementation vise l’établissement de normes pour, par exemple, économiser de l’énergie (codes du bâtiment), limiter les GES (tel le secteur de l’automobile) ou encore contraindre l’industrie à diminuer ses émissions polluantes. La troisième voie, une bourse du carbone, peut représenter une alternative intéressante lorsque certaines conditions sont réunies.
J’estime que si on voulait vraiment diminuer la pollution liée à l’utilisation de l’automobile, il faudrait une intervention vigoureuse des gouvernements fédéral et provincial pour réduire l’utilisation de l’automobile. Avec l’actuel gouvernement, oublions une intervention fédérale en ce sens. Quant aux trois avenues d’actions possibles d’intervention, dans le domaine de l’automobile pour le gouvernement québécois, seule celle de la taxation est applicable. Certains analystes estiment qu’il faudrait une taxe supplémentaire de 35 à 40 cents du litre d’essence pour changer l’utilisation de l’automobile. Je doute qu’un parti politique au Québec mette cela dans son programme, du moins un parti près de gagner les élections.
Au Québec présentement, ça roule pour l’auto
- On continue à construire des autoroutes gratuites pour les utilisateurs;
- L’impôt foncier est la principale source de financement des municipalités qui ne cessent par conséquent d’encourager la construction résidentielle et l’étalement urbain;
- Le parc automobile du Québec ne cesse de croître (environ de 2 % par année). Il est présentement constitué de 4,5 millions d’automobiles et de camions légers. On renouvèle environ 10 % du parc automobile par année;
- On tergiverse quant aux péages sur les ponts de Montréal et les autoroutes;
- On prendra plus de 10 ans pour implanter des voies réservées sur Pie IX !
Dans ces conditions, on va continuer à consommer encore énormément d’essence durant les prochaines années. Et ce n’est pas les discours sur l’électrification des transports qui vont changer la donne. Même des automobiles moins énergivores ne seraient pas une solution car il se peut que les gains d’efficacité soient compensés par une plus forte utilisation. Par exemple, une auto qui consommerait 50 % moins d’essence grâce à un moteur plus efficace équivaudrait à une baisse de 50 % du prix de l’essence et donc, pourrait mener à une plus grande utilisation de l’auto.
Je proposerais donc d’augmenter progressivement par une taxe le prix de l’essence pour diminuer l’utilisation de l’automobile. Idéalement, il faudrait que les autres provinces du pays fassent de même, surtout nos voisines l’Ontario et le Nouveau Brunswick. Il s’git donc là d’une taxe sur le carbone. Il faudrait aussi clairement dire à la population que, idéalement, l’objectif ultime de toute taxe sur le carbone est qu’elle ne rapporte rien : ce serait le cas si nous n’utilisions plus d’énergie fossile; de plus, les revenus de la taxe devraient servir à promouvoir d’autre modes de transport moins polluants, favoriser le transport en commun ou encore diminuer l’étalement urbain, etc.
Quant au pétrole québécois, si nous en avions, j’opterais pour son utilisation et ce, dans un cadre le plus sécuritaire possible. La question d’une exploitation sécuritaire du pétrole est complexe. En effet, sur l’Île d’Anticosti, il s’agit de pétrole de schiste et pour connaître les véritables risques, il faut faire de l’exploration. Quant au pétrole off-shore dans le golfe Saint-Laurent, il s’agit selon certains scientifiques d’un milieu écologique fragile, d’une mer intérieure relativement réduite et quasi fermée. En cas d’accident sur une plateforme de forage, les conséquences pourraient être désastreuses. Il faut aussi tenir compte du fait que le gisement Old Harry est aussi exploitable à partir de Terre-Neuve – qui semble empressé à exploiter ce gisement. Encore là, il faudrait faire de l’exploration (toujours risquée) pour préparer une éventuelle exploitation du site. Entre les deux sites, je ne saurais dire lequel est le moins risqué.
Si jamais le pétrole de l’île d’Anticosti ou du gisement Old Harry devient exploitable, compte tenu du prix mondial du pétrole, cela ne pourra se faire que progressivement : on ne va pas mettre fin du jour au lendemain à nos importations de pétrole qui se chiffraient à 13,7 G$ en 2012, soit un peu moins de 4 % du PIB québécois. Je ne peux quantifier quelles seraient les retombées économiques d’une telle industrie mais elles seraient certainement importantes.
Enfin, supposons que nous ayons du pétrole exploitable, que faire des redevances ? Comme il s’agit d’une ressource non renouvelable et limitée, j’opterais pour un transfert intergénérationnel, en diminuant par exemple la dette du Québec, et non pour des dépenses récurrentes comme en santé ou en éducation. Tout en n’oubliant pas que si nous voulons vraiment réduire les GES, il faut changer la place actuelle de l’automobile dans notre mode de vie.
Henri, Sainte-Anne des lacs, le 9 janvier 2014.
Le débat sur la pertinence d'exploiter le pétrole de l'est du Québec a repris en ce début d'année. À l'évidence, le temps des décisions politiques approche. Des personnaliltés du monde politique et des affaires ont ouvertement pris position en faveur de l'exploitation commerciale de nos ressources pétrolières. Les milieux écologiques ont vivement réagi en rappelant que le gouvernement a promis de diminuer la dépendance au pétrole et non de l'encourager. Les Québécois ne peuvent plus se contenter de critiquer le gouvernement Harper sur sa politique énergétique, ils doivent décider dans les prochains mois de leur propre politique énergétique en ce qui concerne l'exploitation commerciale de leur pétrole. Pour l'instant, rien n'indique que le gouvernement du Parti québécois agira différemment en ce domaine que l'a fait depuis 10 ans le gouvernement conservateur.
Pierre
Question débattue : Accepteriez-vous l’exploitation du pétrole dans l’île d’Anticosti si les redevances versées au gouvernement québécois étaient placées dans un fonds consacré à l’éducation en milieu défavorisé?
Documentation : textes proposés par Pierre sur la question de risque et sur le principe de précaution; documentation fournie par Henri sur le volet économique de l’exploitation pétrolière.
(Jacinthe) L'exploitation du pétrole de schiste est particulièrement problématique. Or c'est ce type de pétrole dont il est question ici.
Par ailleurs, selon Hubert Reeves, l'espèce humaine serait la seule et la première à s'autodétruire. Angoisse face à la fin de l'humanité, pour nos enfants et petits-enfants. Non à toute forme d'exploitation d'énergies fossiles. On est en train de tout détruire; ce sont nos enfants qui vont subir les conséquences.
(Murielle) Étant donné la situation géographique de l'île, étant donné le manque d'expérience du Québec dans ce domaine, le risque écologique est très grand.
L'émission de gaz à effet de serre serait augmentée non seulement par la production accrue de pétrole, mais aussi par ce qu'exigeraient l'exploration et l'exploitation sur l'île d'Anticosti: creusage de 8000 à 9000 puits, machinerie lourde, construction d'un port de déchargement, trafic maritime accru, construction d'un oléoduc, etc.
Ne devrait-on pas plutôt tendre vers l'indépendance face au pétrole? Référence à P.-O. Pineau: réduire drastiquement la consommation en augmentant les taxes sur le pétrole.
Par ailleurs, même s'il y a un certain manque de ressources notamment professionnelles dans le milieu de l'éducation, le problème principal de l'éducation en milieu défavorisé n'est pas le manque d'argent. Les problèmes concernent plutôt la formation des enseignants, leur affectation, l'inadaptation du système d'éducation aux enfants de ce milieu, etc. On ne devrait pas chercher la solution aux problèmes de l'éducation en détériorant davantage l'environnement, puisque de graves problèmes économiques et sociaux en résulteront, pénalisant ainsi particulièrement les gens des milieux défavorisés.
De plus, nous avons une responsabilité sur le plan international. Les populations les plus démunies sont les plus frappées par les changements climatiques. Il y a déjà un grand nombre de réfugiés climatiques et l'ONU prévoit une forte augmentation de ces déplacements de populations dans les prochaines décennies (désertification, inondation des terres côtières, pénuries alimentaires, etc.). L'urgence est donc de limiter à 2° C l'augmentation de la température afin d'éviter l'irréparable et de ne pas pénaliser les populations les plus menacées.
(Pierre) Même s'il est évident que les changements climatiques sont réels et menaçants, même s'il est vrai que la situation est grave, est-il possible que certains discours à ce sujet soient apparentés aux discours apocalyptiques qui ont eu cours à toutes les époques ? Faut-il relativiser nos craintes? Jusqu'où? Et comment?
Et comment ne pas profiter d'une exploitation qui aura lieu de toute façon ? Comment ne pas saisir une occasion d'obtenir des fonds pour améliorer l'éducation en milieu défavorisé, qui est un enjeu majeur, une valeur sociale fondamentale ?
(ajout par Pierre, 30 oct.:) Je n'ai pas de réponses à ces questions, mais je crois tout de même important de réfléchir aux prix de nos décisions. Dans le cas du dilemme théorique que je soumets au débat, le choix de ne pas profiter des redevances du pétrole d'Anticosti implique de priver en partie des enfants de milieux défavorisés d'une éducation de qualité. Évidemment, je suis - comme vous tous, je le suppose - grandement préoccupé par les questions environnementales et par une éventuelle exploitation du pétrole à Anticosti.
Alors, dans un processus de décision, comment évaluer un risque ? Comment en arriver à faire des choix éclairés lorsque l'on doit composer avec un risque, donc avec du non prédictible? J'essaie dans ma réflexion de ne pas perdre de vue que dans toute décision concernant mon dilemme, il ne sera pas possible d'éviter le "mal" : sacrifier dans l'immédiat la possibilité d'améliorer la qualité de l'éducation pour les classes défavorisées ou prendre un risque environnemental grave en exploitant le pétrole de l'île d'Anticosti. Je le répète, je n'ai pas de réponse simple à donner à mon dilemme, mais il me semble que les décisions sociales/politiques que nous sommes appelées à prendre se présentent souvent sous cette forme qui oppose un bien immédiat à un risque. Les notions de "principe de précaution" et de "principe de responsabilité" (Jonas) peuvent nous être utiles dans ce processus de décision, mais il faut bien admettre que la plupart du temps on doit trancher entre deux maux dans une relative ignorance.
(André) Nous sommes loin d’être les plus grands producteurs de GES. La Chine et l’Inde vont en produire de plus en plus. Nous pourrions quant à nous exploiter le pétrole de l’île d’Anticosti en prenant les mesures nécessaires pour protéger l’environnement.
(Guy) Les entreprises sont aussi concernées par le principe de précaution et leur responsabilité. Plusieurs d’entre elles cherchent à concilier le développement économique et le développement durable.
(Henri – 22 oct. 2013) En termes économiques, je présente ici le point de vue que j’ai défendu ou aurais voulu avancer.
D’abord, la question du réchauffement climatique est une question planétaire; toute amélioration de la situation implique nécessairement une collaboration internationale et tous les pays doivent mettre la main à la pâte avec évidemment une plus forte implication pour les grands pollueurs. En ce sens, le Québec doit faire sa part, même si sa contribution au phénomène est nécessairement marginale étant donné la petite taille de son économie. D’autant plus, que sur une base «pollution par habitant», sa moyenne est l’une des plus élevées de la planète.
Sur le plan international, le Protocole de Montréal (1987) aurait pu nous inspirer : il a en effet permis des succès dans la lutte pour réduire les substances qui appauvrissent la couche d’ozone. Cela a été possible grâce à deux facteurs. D’une part, il y avait un fort consensus scientifique quant au lien entre les gaz CFC et les trous dans la couche d’ozone. D’autre part, la diplomatie a fait en sorte que tous les pays ont fini par signer le protocole. Mais lorsqu’il s’agit des gaz à effet de serre, on ne peut miser sur ces deux facteurs, du moins au Canada. En effet, côté science et diplomatie, disons qu’avec le gouvernement Harper, on est mal barré : le ministre de la Science et de la technologie est un créationniste et le Canada s’est retiré de la négocation pour le renouvellement du Protocole de Kyoto.
Signalons aussi que les gaz à effet de serre sont plus nombreux que les CFC et que les sources d’utilisation des énergies dites fossiles sont aussi plus nombreuses. Ces gaz touchent à la fois nos modes de production et de consommation.
Par rapport à la question de l’utilisation du pétrole au Québec, et par ricochet au réchauffement climatique, on peut résumer ainsi une partie de la problématique : le pétrole transformé en essence contribue au réchauffement climatique. Pour réduire les émissions de GES, il faut donc réduire la consommation d’essence. Autrement dit, modifier la place de l’automobile dans notre vie.
Les États disposent de trois instruments d’intervention économique pour protéger l’environnement : les taxes, la réglementation et les permis d’émission.
Dans le premier cas, la mise en place d’écotaxes ou de taxes sur le carbone part du principe que les coûts engendrés par la pollution ne sont pas pris en compte par les producteurs. Ainsi, en imposant une taxe sur l’essence qui représente le coût de la pollution, on élève son prix et on limite, dans une certaine mesure, la consommation du bien polluant. La réglementation vise l’établissement de normes pour, par exemple, économiser de l’énergie (codes du bâtiment), limiter les GES (tel le secteur de l’automobile) ou encore contraindre l’industrie à diminuer ses émissions polluantes. La troisième voie, une bourse du carbone, peut représenter une alternative intéressante lorsque certaines conditions sont réunies.
J’estime que si on voulait vraiment diminuer la pollution liée à l’utilisation de l’automobile, il faudrait une intervention vigoureuse des gouvernements fédéral et provincial pour réduire l’utilisation de l’automobile. Avec l’actuel gouvernement, oublions une intervention fédérale en ce sens. Quant au gouvernement québécois, parmi les trois instruments d’intervention économique dans le domaine de l’automobile, seule celui de la taxation est applicable. Certains analystes estiment qu’il faudrait une taxe supplémentaire de 35 à 40 cents du litre d’essence pour changer l’utilisation de l’automobile. Je doute qu’un parti politique au Québec mette cela dans son programme, du moins un parti près de gagner les élections.
Au Québec présentement, ça roule pour l’auto :
· On continue à construire des autoroutes gratuites pour les utilisateurs;
· L’impôt foncier est la principale source de financement des municipalités qui ne cessent par conséquent d’encourager la construction résidentielle et l’étalement urbain;
· Le parc automobile du Québec ne cesse de croître (environ de 2 % par année). Il est présentement constitué de 4,5 millions d’automobiles et de camions légers. On renouvelle environ 10 % du parc automobile par année;
· On tergiverse quant aux péages sur les ponts de Montréal et les autoroutes;
· On prendra plus de 10 ans pour implanter des voies réservées sur Pie IX !
Dans ces conditions, on va continuer à consommer encore énormément d’essence durant les prochaines années. Même des automobiles moins énergivores ne seraient pas une solution car il se peut que les gains d’efficacité soient compensés par une plus forte utilisation. Par exemple, une auto qui consommerait 50 % moins d’essence grâce à un moteur plus efficace équivaudrait à une baisse de 50 % du prix de l’essence et donc, pourrait mener à une plus grande utilisation de l’auto.
Je proposerais donc d’augmenter progressivement le prix de l’essence pour diminuer l’utilisation de l’automobile. Idéalement, il faudrait que les autres provinces du pays fassent de même, surtout nos voisines l’Ontario et le Nouveau Brunswick. D’autres mesures complémentaires doivent aussi favoriser le transport en commun, diminuer l’étalement urbain, etc.
Quant au pétrole québécois, si nous en avions, j’opterais pour son utilisation et ce, dans un cadre le plus sécuritaire possible. La question d’une exploitation sécuritaire du pétrole est complexe. En effet, sur l’Île d’Anticosti, il s’agit de pétrole de schiste. J’ai proposé d’attendre 25 ans pour en voir les conséquences écologiques sur les sites déjà en opération comme au Montana aux États-Unis. Ce délai me semble excessif. De plus, pour connaître les véritables risques, il faut faire de l’exploration. Quant au pétrole off-shore dans le golfe Saint-Laurent, il s’agit, selon plusieurs scientifiques, d’un milieu écologique fragile, d’une mer intérieure relativement réduite et quasi fermée. En cas d’accident sur une plateforme de forage, les conséquences pourraient être désastreuses. Il faut aussi tenir compte du fait que le gisement Old Harry est aussi exploitable à partir de Terre-Neuve – qui semble empressé à exploiter ce gisement. Encore là, il faudrait faire de l’exploration (toujours risquée) pour préparer une éventuelle exploitation du site.
Pour revenir à l’île d’Anticosti, je parle ici d’une exploitation qui doit être rentable étant donné le prix mondial du pétrole. Cela ne pourra se faire que progressivement : on ne va pas mettre fin du jour au lendemain à nos importations de pétrole qui se chiffraient à 13,7 G$ en 2012, soit un peu moins de 4 % du PIB québécois. Je ne peux quantifier quelles seraient les retombées économiques d’une telle industrie mais elles seraient certainement importantes.
Supposons que nous ayons du pétrole, que faire des redevances ? On propose un fonds spécial pour l’éducation, entre autres pour les milieux défavorisés. Comme il s’agit d’une ressource non renouvelable et limitée, si nous avions un tel fonds, que ferions-nous lorsque la ressource serait épuisée ? J’opterais plutôt pour un transfert intergénérationnel, en diminuant par exemple la dette du Québec.
Enfin, on a mené le débat par rapport à une exploitation théorique d’une source d’énergie, le pétrole. Il est intéressant de se poser la même question par rapport à une ressource dont dispose le Québec à savoir l’hydro-électricité. Pour diminuer le gaspillage, il faudrait hausser le prix de l’électricité. Le surplus gagné pourrait être placé dans un fonds. Comme il s’agit d’une ressource renouvelable, on pourrait en consacrer une partie à l’éducation et une autre à la réduction de la dette.